Eugen Michaël Friedrich WEIDMANN (1) est né le 5 février 1908, à midi trente, dans la ville de Francfort sur le Main, cinquième ville d’Allemagne, la plus grande du land de Hesse. Son père avait fêté, deux jours auparavant, son 28ième anniversaire. Quant à sa mère, née le 19 décembre 1880, elle n’était que de quelques mois plus jeune.
Friedrich WEIDMANN et Francisca(2) MÖLTGEN s’étaient mariés 16 mois plus tôt, le 20 octobre 1906, toujours à Francfort-sur-le-Main où se déroulera une grande partie de la jeunesse de notre homme. L’année de leur mariage, la mère de Friedrich décédait à Offenbach sur le Main, petite ville également du land de Hesse, limitrophe de Francfort, où il semble qu’elle ait toujours vécu. Quant au grand-père paternel d’Eugen, il est connu comme étant barbier /coiffeur, inscrit sur les registres d’Etat Civil, comme vivant à Londres. Les grands parents paternels d’Eugen ont-ils assisté au mariage de leur fils ? Il ne m’a pas été possible de le déterminer. C’est de ce dernier qu’il sera question plus tard, son petit-fils ayant dit aux journalistes venus l’interroger qu’il était mort fou, en asile psychiatrique et que son père, abandonné par lui à l’âge de 12 ans, l’avait fort peu connu.
Les deux tiers de la population allemande sont de confession chrétienne, partagés à parties presque égales entre la religion catholique au Sud Ouest et la religion protestante au Nord Est tandis qu’à l’Ouest les religions coexistent, tandis que le tiers restant n’a aucune religion déclarée ou fait partie d’une communauté religieuse non chrétienne, comme l’Islam ou le Judaïsme. Pour Eugen, le partage intervenait au sein même de sa famille, les WEIDMANN originaires d’Offenbach sur le Main, étant protestants et les MÖLTGEN qui eux vivaient à Cologne, à environ 170 Km au Nord Ouest, étant catholiques.
Eugen était le premier et il restera le seul enfant de son père, mais sa mère avait eu, quatre ans plus tôt une petite fille, Gertrud, Emma, Katharina MÖLTGEN, née le 15 mai 1902 à Francfort sur le Main. On ne connaît pas le père de cette enfant. Elle décèdera deux ans plus tard à Eppstein, petite ville voisine, à l’ouest de Francfort. On ne sait rien d’autre sur la demi sœur d’Eugen, décédée avant sa naissance, si ce n’est qu’elle portait le prénom de sa grand-mère maternelle.
Les services de l’Etat-Civil allemands sont formels, le fils de Fanny MÖLTGEN et de Friedrich WEIDMANN, né le 5 février 1908, se prénomme Eugen Michaël Friedrich . Notre homme n’a donc pas pu changer « son prénom trop allemand » de Jürgen, en un « Eugen » plus français comme il l’a raconté, plus tard, à son avocate Renée JARDIN (1).
Qui lui a donné ce prénom d’Eugen, étymologiquement « le bien né » et pourquoi ce prénom-ci a été choisi ? Je n’ai pas trouvé d’éléments permettant de répondre à cette question. Mais Michaël, son deuxième prénom est celui de son grand-père maternel et Friedrich, celui de son grand-père paternel et de son père, ce qui l’inscrit symboliquement très fortement dans sa lignée paternelle, peut-être d’autant plus que la petite Gertrud qui l’avait précédé portait elle-même, le patronyme de leur mère. Le père de cette petite fille ne l’a pas reconnue, et il ne m’a pas été possible lorsque j’écris ce texte de savoir qui il pouvait être.
Une grande partie de la ville de Francfort a été détruite pendant la seconde guerre mondiale. Beaucoup d’archives ont ainsi disparus, et, malgré mes recherches, plusieurs questions sont malheureusement restées sans réponse.
Avec qui Fanny MÖLTGEN a t’elle conçu son premier enfant ?
Comment a t-elle vécu sa grossesse et dans quel rapport avec le père de Gertrud ?
Quelle est la cause du décès de la petite fille, à l’âge de deux ans ?
Il aurait été intéressant d’en savoir plus à ce sujet. Cela aurait pu éclairer le rapport pouvant exister entre la mère d’Eugen WEIDMANN et les hommes. De même qu’il aurait été intéressant de savoir ce qui pouvait l’habiter comme souvenirs (peut-être angoissés) de sa première grossesse, lorsqu’elle a ensuite attendu son fils.
Eugen était il au courant de l’existence de cette demi-sœur ? On peut le supposer puisque les journaux français (Match) en font état.
Le grand-père paternel d’Eugen nous pose aussi un problème. Son petit-fils a déclaré aux journalistes qu’il avait été interné et que son père avait, dès l’âge de 12 ans, été confié à l’équivalent allemand de notre Assistance Publique. Ce qui bien sûr donnait du poids à l’idée d’une transmission génétique de troubles psychiques. Soit directement, car on pensait couramment, à cette époque, que beaucoup de troubles psychiques correspondaient à des tares transmises héréditairement. Soit indirectement, sous la forme d’une difficulté pour Friedrich WEIDMANN à assumer sa fonction paternelle, en ayant peu connu son père.
Mais lorsque Eugen a rencontré les Docteurs GENIL-PERRIN, CLAUDE et TRUELLE, venus le voir en prison pour réaliser l’expertise demandée par le juge d’instruction, il leur a dit « avoir menti pour qu’on le laisse tranquille » et qu’il s’agissait d’une fausse reconstruction de son histoire familiale.
En fait, nous l’avons déjà vu et nous le reverrons, Eugen WEIDMANN est un grand fabulateur. A qui a t-il réellement menti ? Aux psychiatres ou aux journalistes ? Ou n’y a t-il pas une troisième possibilité ? En effet, l’Etat Civil allemand signale que Michaël WEIDMANN était déclaré « domicilié à Londres » lorsque son petit-fils, est né. Il n’était pas, en tous les cas, présent auprès du père d’Eugen à cette époque et l’on peut, sans trop de risque de se tromper, faire l’hypothèse que sa présence a manqué à son fils qui devait ainsi faire face sans soutien paternel à son nouvel état de père de famille.
(1) Eugen porte en second prénom, celui de son grand-père maternel, Michaël et en troisième prénom, celui de son grand-père paternel et de son père : Friedrich
(2) Il semble que l’on ait eu l’habitude de l’appeler Fanny et c’est du moins ainsi que son fils parlera d’elle au Juge BERRY