Une des multiples questions qu’un lecteur attentif ne peut manquer de se poser devant le déroulement extrêmement médiatisé de ce fait divers, ainsi que de sa fin tragique…
Une circulaire en date du 20 janvier 1922, émanant du Ministère de la Justice, Direction des Affaires Criminelles et des Grâces, 2ième bureau (Bureau des Grâces) avait posé les termes du contrôle de la publicité des exécutions capitales. En cas de refus de la grâce présidentielle, « les précautions nécessaires doivent être prises pour éviter que la nouvelle ne se répande en avance ». Les services officiels devaient alors, pour mettre en place la sécurité de la cérémonie,communiquer avec des télégrammes codés. Pourtant la T.S.F., qui avait à cette époque un fort impact médiatique, annoncera la rencontre du Président de la République avec les avocats des deux condamnés à mort (Eugen Weidmann et Roger Million), prélude à l’éventualité du refus d’une possible grâce. C’est d’ailleurs par la radio du café voisin de la prison, la fenêtre de sa cellule étant ouverte par cette chaude journée de printemps, qu’Eugen Weidmann apprendra que l’heure de son exécution était proche.
De plus, des journaux très sérieux comme le Figaro, le Temps, la Justice, annonceront dans leur édition du 16 juin la grâce accordée par Albert Lebrun à Roger Million et le refus de celle-ci pour Eugen Weidmann. La discrétion n’était vraiment pas de mise et les badauds informés de la date de l’exécution pourront prendre place la nuit du 16 au 17 juin devant la prison de Versailles. Eugen Weidmann était devenu un personnage tellement médiatisé que les journaux chercheront jusqu’au bout, à étendre leur tirage en parlant de lui.
Que s’est-il donc passé pour que, seulement une semaine après cette exécution, Edouard Daladier, alors Président du Conseil et Ministre de la Défense Nationale et de la Guerre, demande au président de la République de signer le fameux décret concernant l’interdiction de la Publicité des Exécutions Capitales ? Paul Renaudon, photographe à Paris-Soir avait loué une chambre dans l’hôtel voisin d’où il mitraillera la scène et au moins deux cameramen qui demeurent à ce jour inconnus, ont filmé ce moment solennel, au mépris de l’interdiction légale faite dans la circulaire précédemment citée « Le port et l’usage de tout appareil photographique ou cinématographique ou de tout autre moyen de reproduction de la scène de l’exécution est interdit ». Et ces photos avaient très rapidement été reproduites dans des hebdomadaires : Match, Life dans sa rubrique Overseas… qui les avaient divulguées y compris auprès de pays étrangers. Et ces photos avaient entraîné des commentaires ternissant l’image de la France en une période bien troublée des relations franco-allemandes (la seconde Guerre Mondiale allait débuter un peu plus de deux mois plus tard).
Edouard Daladier ne pouvait politiquement accepter cela. Le Garde des Sceaux Paul Marchandeau, fera donc une demande officielle au Parquet pour savoir comment s’était déroulée l’exécution de Weidmann, et la réponse tombera très rapidement sous la forme d’un télégramme « tout s’est déroulé sans incident ». Edouard Daladier alors Président du Conseil, ministre de la défense et de la guerre, choqué depuis longue date devant le comportement des spectateurs qui se pressaient pour voir la guillotine, s’adressera donc au Président Lebrun, avec son Garde des Sceaux, ministre de la Justice Paul Marchandeau et son ministre de l’intérieur Albert Sarraute, pour lui demander de supprimer la publicité des exécutions capitales.